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Chris le Gardien auteur
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De mille vies, de mille frontières et autant de visages...

De mille vies, de mille frontières et autant de visages...

De mille vies, de mille frontières et autant de visages...

Écrire, se mettre à nu, partager son intime, émettre pour recevoir, c’est faire l'amour, sans limite avec ces inconnus qui sont attirés par la couverture, effleurent le 4e, caressent la reliure et passés ces préliminaires, pénètrent doucement le premier chapitre d'une belle histoire qui commence.

Écrire, juste pour le plaisir de suspendre le temps, de jouir de la joie d’être entendu, dévoré, par ces hommes et ces femmes, lecteurs sans nom, qui sont pourtant – et sans doute depuis toujours – nos amants de cœur. Voilà le bonheur d’un livre et l’espoir de ces rencontres, en l’écrivant.

Un auteur est éternellement voué à l’amour, tant qu’il est lu. Et si Dieu n'existe pas, l'auteur lui, est immortel.

On dit que la beauté est éphémère, or son rayon est éternel. Seule la surface des choses est soumise au contrôle du temps, l'essentiel est sans âge. Mais dès lors qu'on la mire, la Beauté se dégrade, comme quand on nomme la Source « Dieu », elle se délite.

C'est le paradoxe de la création et de sa conscience. Le Verbe ne survit pas à l'homme, du moins pas dans sa totalité.

À mesure qu’on le contient par la perception, l'infini se morcelle et la beauté – comme l'amour – perd son absolu.

Voilà pourquoi l'homme est en quête de son originelle Unité d’avant la fracture créatrice, qui est aussi bien sa chance de liberté que la cause de sa souffrance.

La vie, est ce qu'on reconnaît en elle de l’au-delà d’où l’on vient, sans refuser les lendemains où l'on va.

Le Verbe sans Conscience est parfait, mais vain. Dès lors qu’il s’exprime et se perçoit, il se corrompt. Il faut aimer absolument l’imperfection qui nous rend vivant.

Qu’il est beau de comprendre… Comprendre par soi-même, en se frottant aux autres, même seul.

Besoin d’un « coach » pour comprendre ? Non ! Personne n’est « coach » que de lui-même.

On ne peut bien transporter et canaliser que par son propre prisme et c’est déjà énorme.

Quand tu écoutes une mélodie, les musiciens ne sont pas tes guides. Ils sont des messagers, des âmes qui portent et expriment l'extraordinaire. On est y est sensible, ou pas.

Il y a des âmes lumineuses, c'est vrai. Elles éclairent le chemin de leur vie avec tant de clarté qu'en les croisant, on profite de leurs rayons. Mais qu'advient-il de cette Lumière hors de nous, quand elles s'éloignent? Nous replongeons tôt ou tard dans nos parts d’ombres, parce que nos identifications opaques nous privent à nouveau de l'Essen-Ciel.

Il faut avoir cheminé longtemps dans les coins sombres de soi pour trouver la Source de cette Lumière qui ne s'éteint jamais; nous la portons longtemps sans le savoir. Et puis un jour, elle traverse tout ce que nous connaissions d'opaque et de terne, par nos joies et nos amours. Pour s'impliquer, il faut affiner nos cloisons jusqu'à la plus grande transparence. Et il en faut du courage pour renoncer aux biens et aux honneurs de ce monde.

Je n'ai pas dit fuir, mais renoncer aux dogmes matérialistes de ce monde; subtile distinction en effet.

D'abord, on affine ses cloisons sans réellement comprendre l'étendue ni la puissance de l'énergie qui les traverse, autrement que par l'expérience de l'amour, de la joie, des peines et des arts. En somme nos émotions nous rendent sensibles au monde subtil, mais de façon éphémère et empirique. Puis soudain, de plus en plus constante, intense et immense, le rayon se fait familier. Nous commençons a nous désidentifier.

 

L'on reconnaît la part de Soi trop longtemps refoulée, sans plus de doute. Nous voilà réémergé.

« Coach » ? Non. Nous ne sommes que des témoins. Nous racontons notre Lumière au quotidien, les uns après les autres, sans surtout précipiter celle des autres ni leur imposer la nôtre.

« Coach » ? Non. Chacun demeure libre de s'impliquer et de percevoir à son tour et quand il est l'heure, cette étincelle croissante de lui-même, à libérer progressivement.

Alors oui. Nous sommes tous les « Coachs » de nous-même.

Nous sommes tous, ensemble, la grande part d'ombre à habiter.

Le Feu est le désir du monde. Nous sommes sa descendance.

Comme un feu dans une pièce profondément noire qui en chasse les ténèbres, vous êtes le Feu, vous êtes aussi la maison que vous habitez mal.

Nous sommes à nous tous, ensemble aussi bien que seul, le Foyer Originel à restaurer, quand nous le pouvons.

 

***

 

J'ai bientôt 51 ans et la vieillesse n'a encore jamais frappé à ma porte, même si je prends conscience aujourd’hui que le temps file à une vitesse incroyable.

Les rides sont des sentiers ouverts vers notre cœur. Il ne tient qu'à nous d'oser y cheminer.

La vieillesse nous domine par comparaison.

D'abord, la vieillesse nous indiffère, car on ne lui prête aucune attention particulière, sauf dans le respect dû aux anciens.

Les vieux, on les imagine figés dans le temps, éternellement vieux, comme s'ils n'avaient jamais eu de jeunesse, et ne mourraient jamais.

Les vieux accompagnent notre propre jeunesse, en décalage. Nous ne faisons que cohabiter sans vraiment nous comprendre.

Les vieux n'ont que la réalité de leurs rides creusées, de leurs costumes datés, de leurs témoignages confrontés à l'insolence de notre jeunesse qu'on croit meilleure et invulnérable. La plupart du temps, nous regardons les vieux comme on regarde des images d'archives en noir et blanc de la grande guerre. Avec l'indifférence d'une réalité parallèle à la nôtre.

Mais, dès qu’on constate que les vieux qu'on côtoyait meurent et que les visages familiers des adultes de notre enfance deviennent soudain étrangers tant ils ont changé, alors on se compare, on prend conscience de notre image éphémère, on se regarde dans un miroir qui nous rend au constat soudain du lourd poid des années et de notre propre fragilité. Le vrai miroir d'ailleurs est alors le regard de nos enfants, qui nous renvoie à notre propre insolence d'antan. Chaque génération concurrence la précédente.

La vieillesse nous condamne par nos attachements et notre peur de perdre.

Le temps ronge ce à quoi l'on s'attache. Notre corps s’abîme inexorablement. Sa course vers sa fin est la plus grande angoisse des matérialistes, qui ne s'identifient qu’à leurs enveloppes et aux biens qu’ils possèdent.

La mémoire des corps, nos conditionnements, nos identifications à tel ou tel personnage social nous isolent et nous vident de notre substance première.

Le corps est alors aussi vide qu'un coquillage mort sur une plage et n'est déserté que par nous seuls lorsque nous nous identifions totalement a lui, dans ces parenthèses entre naissance et mort où notre Soi s'estompe.

La peur de perdre l'accessoire, est l'effet et la cause de la vieillesse. Car au fur et à mesure que nous prenons de l'âge, nous voilà plongés dans l'angoisse du vide que nous n'avons pas su remplir de nous-même.

La vieillesse ne frappe pas à la porte, des hommes et des femmes qui vivent avec cette plénitude hors de portée des années, loin des contingences, des impératifs et donc sans la peur qui isole.

Cette façon animale de suivre la ligne du temps sans jamais s'en soucier, c’est l'élixir de jouvence.

Les « vieux » qui gardent la trace authentique de leur âme, n'ont pas peur. Ils côtoient l'infini et l’au-delà des réalités frustrantes. Leur corps diminue, mais leur joie est croissante et le rayonnement de leur infinitude est un antirides absolu, le seul anti-âge efficace.

Les vieux libérés du temps, savent que leur vieillesse est aussi illusoire que leur jeunesse. Le temps n'existe plus pour l'âme, du moins il n’abat plus sa Lumière. De sorte qu’il est aussi stupide de dire qu'une âme est vieille ou jeune. Une âme échappe à toute chronologie, ce pourquoi, notre petit esprit ne peut concevoir l’au-delà du temps, ses œillères nous privent de notre regard global et total.

Seule l’intuition nous permet de transcender lucidement l’apparence et de nous reconstruire en elle, pièce après pièce, comme on reconstitue ce puzzle de l'Essen-Ciel, sans image, mais plus intense que toutes les images parcellaires de ce monde.

La fraction de seconde passée sur terre mérite bien d’y restaurer notre éternité et de l'offrir en partage. C’est l'Amour qui est œuvre suprême et l'homme son canal étroit.

La merveille est dans le regard et la transmission dans le reconnaissance d’une même Source créatrice : celle qui émet et celle qui reçoit. Voilà l’Amour en action. Et l’Amour ne vieillit pas.

Devant une âme, cohabitent mille visages.

Ce que d’aucuns appellent la foi, permet d'affiner les cloisons de nos enveloppes et possessions illusoires pour laisser passer notre âme. Ce processus lent et progressif est le challenge de toute mission en ce monde, le sens sacré de la vie, la vocation de chaque homme. Faire l’expérience du temps et de l’espace nous libère de la masse impersonnelle de notre Origine Commune, autant que cela permet de se soumettre à nos multiples masques individuels qui nous font perdre de « vue » notre dimension Sacrée.

Vous n'êtes personne si vous essayez d’être quelqu’un. Les masques sont créés pour apprendre à les ôter.

L’oubli est donc la condition de nos vies. L’intuition est la réminiscence de notre divinité. Le challenge n'est pas dans un choix entre l’une ou l’autre de ces réalités, mais dans la conscience éclairée et libre de l'Unité dans la complexité réunifiée de l'intérieur. L’intérieur, le Soi, l’Unité, l’Essen-Ciel, c’est la Nature de ce qui ne change pas, de ce qu'on ne possède pas, ni jeune ni vieux, l'immobile éternel et infini, mais qui est la Joie au milieu du Chaos. C’est la Lumière qui nous traverse.

Seule la peur opacifie ce rapport au Soi et rend la vieillesse insoutenable. Quand on habite son enveloppe de toute son âme, la peur s’efface comme ombre au soleil.

 

***

Le voile de l'ignorance – qui résulte de la loi de séparation – coupe l'âme de sa nature infinie en opacifiant bien sûr son champ de conscience, et en l'adaptant pour la circonstance de son incarnation, aux conditions du plan physique, qui est une illusion nécessaire.

La perception limitée d’elle-même et l’environnement matériel auquel elle est soumise, donnent à l'âme le cadre contraignant du plan physique mais aussi, mental puisque l’un et l'autre sont liés intimement.

Ce voile plus ou moins opaque en fonction des conditions liées aux facteurs génétiques, culturels et sociaux, encourage plus ou moins distinctement à un retour progressif à la Conscience de Soi par le Moi.

L’intuition développée par le pas de côté qu'on est en capacité de faire pour affiner l’épaisseur de notre ignorance, est le fruit d’un long chemin et d’un long travail d’éveils successifs, comme autant de couches dont on se défait, les unes à la suite des autres, quand on le sent ou par accident.

Ce processus de desépaississement du voile, n'est pas théorique, loin de là. Il mobilise tous les sens et toutes les émotions. Il dépend aussi de conditions préalables et des épreuves de la vie à surpasser, d'expériences à intégrer activement, de traumatismes karmiques ou contemporains à comprendre et accepter, par-delà les justes colères et tristesses que ce voile provoque. De sorte que nul n'est égal face à l'éveil et aux fulgurations qui nous traversent. Il est d’ailleurs souvent difficile de s’y retrouver dans la jungle de vérités à notre portée. Rien ne peut nous être imposé en enseignement qui ne soit parfaitement issue de notre propre Cœur. C’est alors qu'on (se) reconnaît, par-delà bien et mal, et que l'Essen-Ciel apparaît sans toutefois chasser le plan ou s'y substituer. Il serait plus juste de dire que le Soi transparaît, débarrassé de ses vêtements, dans sa nudité originelle. Symboliquement, l'Adam renaît et consacre sa propre divinité perdue, d’avant la chute.

Gardons-nous toujours de négativiser le plan matériel en lui faisant supporter tous les torts de ce que l'homme a désigné sous le vocable assassin de « péché originel ». Tout est toujours à sa juste place et rien n'arrive au mauvais moment. La vie, toute la vie est une chance. Il n'y a ni bonne ni mauvaise expérience, il n'y a que des expériences agréables ou désagréables au milieu des autres, qui nécessitent d'adapter en permanence et au mieux l'expression de notre Ego.

Le « voile de l’ignorance » doit être compris dans son acceptation la plus humble et la plus simple : il s’agit de prendre conscience que nous sommes bien plus que la seule perception que nous avons de nous-mêmes et d'autrui ; il s’agit de découvrir peu à peu et de plus en plus sûrement, que nous sommes bien plus riches que les normes et les limitations de notre identité du moment. Il s'agit de sentir l’Amour en le faisant bien sûr, mais ultimement en le sentant en Soi surtout et pas seulement autour de soi.

Le Plan n'est pas notre prison. Il est le terrain de notre Liberté, le jardin de graines à corrompre, parfaire et faire fleurir. Les grandes joies viennent sans effort.

Toute société de consommation est réduite au bénéfice de l'éphémère et à la violence sourde des audacieux.

Les Romains avaient compris qu’il y avait deux types de droits : le droit ressenti (fas) et le droit écrit (jus).

Nous vivons une époque où le Jus est hypertrophié, mais sans plus d'autorité – au sens de la justice – et où le fas est de plus en plus isolé voire combattu, au nom d'un ordre mondial que la spirale diabolique d’argent et de domination anime. Tout le contraire de l'équilibre des forces, n'est-ce-pas ?

Seuls les éveillés peuvent se passer du Jus décadent et restaurer le fas « glorieux ».

L'éphémère est l’arme des puissances de l'ombre et la chance de la Lumière. Plongez votre regard dans la Beauté et le relatif de l'existence ne vous soumettra plus à ses conditions mortifères.

Pour retrouver en Soi le chemin du droit « naturel » et « fraternel », il faut raviver la Conscience absolue du « vivre ensemble ». Il faut s’extraire des obligations matérielles extérieures – sans les nier ou les fuir, mais en ne leur accordant plus notre soumission – et nous inscrire dans une logique de « Cœur ouvert » à l'échelle de cette ouverture d'âme qui désarme les divisions du temps et des puissants, sans combat.

Il ne s'agit plus d'obéir aux lois des hommes, mais de dérouler son cœur sur leur plan.

Ainsi, la cohésion et la concorde peuvent régner sans la couronne des orgueils exacerbés.

Si les créatifs étaient au pouvoir, ils partageraient leurs œuvres et leur amour passionné de la création. L’Artiste agit sur la matière en y insufflant toute son âme.

 

***

Le changement ne bouscule pas nos âmes, mais nos perspectives. J'accepte le changement, je ne m'attache à rien qui ne peut demeurer et je reste en lien avec mon infini, au sein des limites que j'accepte sans qu'elles me retiennent.

J’accepte le changement, car il me sort du risque de torpeur et d’ignorance. Le changement est le mouvement naturel de l’existence.

Les cycles auxquels est soumis ce monde ne nous détruisent pas. Ils contribuent, au contraire, aux conditions de nos expériences enrichissantes vers nous-mêmes et les autres. Le comprendre permet d'appréhender la jeunesse et la vieillesse comme une seule et même réalité qui nous donne à « grandir » en Humanité, à retrouver ce qu’on avait perdu de « vue ». Le temps est un cadeau, pas un fardeau. Il est le sentier vers Soi.

La forme la plus accomplie de la paix est l’acceptation. On ne réduit pas l'agitation du monde, on s'y rend insensible. Il ne s'agit plus ni de le fuir ni même de le corriger ou de s'y adapter, mais de trouver notre axe intérieur qui est ordre dans le chaos. Alors nous invitons l'harmonie inconditionnelle dans notre cœur. Nous habitons toujours la maison qui nous ressemble. Si le monde que tu regardes est aussi beau que celui que tu vois, tu as aligné les réalités sur ton cœur. Te voilà libre, à jamais.

Forcer sa nature, c'est forcer la Nature et le juste ordonnancement du Monde. Le bonheur de tout homme censé est un axe tracé entre ciel et terre, qui n'est ni une fuite ni un refuge. Être à la fois âme, chair et esprit, ici et maintenant à l'endroit exact où la vie nous place et où nous choisissons d'aller, sans renier une Once de Soi au profit de l'ignorance qu’on nous impose.

L’Harmonie, c'est renoncer aux batailles menées contre la matière et son imperfection au profit d'une pseudo-spiritualité libératrice, qui n’est rien d'autre qu’un nouveau dogme.

L’Essen-Ciel, c’est l'équilibre retrouvé entre notre absolu qui nous élève et la relativité qui nous abaisse.

L'alignement sur sa nature permet cette spontanéité heureuse pour l'animal. Pour l’homme, la difficulté première provient de sa propension à s'abstraire de l'instant et à se couvrir de masques et d'uniformes. À force de s’identifier, il finit par oublier qui il est. La Conscience chez l’homme est un cadeau sacré ou son plus grand malheur.

J'ouvre à la vieillesse avant même qu’elle frappe à ma porte. Car j'ai ouvert enfin à mon âme qui y frappait depuis toujours.

Il faut vivre intensément : vieillir et mourir sans s'en apercevoir et toujours aussi joyeusement que possible.

J’accepte que mon infini soit limité, pourvu que ma Conscience lui ouvre l’horizon et s’offre et partage tout le bonheur qu’il mérite. La grandeur d’une âme ne connaît ni volume, ni surface. Mais elle les habite de toute sa présence, comme la Lumière anime l'abat-jour.

J'ai peu d'ami(e)s en ce monde, ou plutôt j'ai une infinité d'âmes-mies reconnaissantes.

Les ami(e) s'attachent et (vous) possèdent. Les âmes-mies au contraire, vous laissent libre et ne sont jamais séparées par aucune ligne de temps ou d'espace. Tout est là, toutes sont là et depuis toujours, sans jugement ni envie.

Célèbre en un seul cœur, vaut mieux que Star en mille. Les grands esprits ne se rencontrent pas, ils ne se sont jamais quittés. Les grands esprits se reconnaissent. Ils ignorent le nombre, ils chérissent la grande communion des cœurs qui est une toile infinie, ni numérique, ni spatiale.

Qu'il est triste de se croiser. Deux lignes qui s'embrassent le temps d'un point en commun, puis leurs destinées fatales les font se fuir, dramatiquement, immanquablement, à jamais éloignées.

Il faudrait pouvoir se croiser lentement, contre le temps, retarder la séparation inévitable de la folle diagonale… très lentement, comme deux lignes parallèles, bien distinctes mais inséparables.

Il faudrait avancer ensemble, se frôler sans se perdre en ce point fusionnel où la rencontre se fait déjà division.

C’est vrai que le verbe « se croiser » est tout à fait inopportun. Il est la passion qui consume les individus, il est la mort annoncée des amours naissantes, il est l'abandon qui succède à la rencontre.

Ne vous croisez pas, restez vous-même et touchez-vous, chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Soyez ce deux fois un qui marchent ensemble. Ne laissez jamais l'autre transpercer votre cœur pour s'éloigner.

La vérité c’est que personne ne croise personne et que la distance, comme l’éloignement ne sont que des visions provisoires à comprendre et re-connaître.

La seule et vraie mesure de l'Amour n’est pas la proximité physique ou mentale, ni moins encore le besoin ou le désir d’être aimé, mais la reconnaissance mutuelle et spontanée de ce qui nous réunit par-delà toutes les contingences de ce monde : l’Essen-Ciel qui précède et succède à tout ce qui nous sépare.

Il n'est pas de chemins sans rencontres ou de séparations, il n’est pas de traces où l’on ne se croise ou ne se perde. Mais tous ces chemins, qui paraissent horizontaux, conduisent toujours à la verticale de notre propre cœur, à l’Unisson de la Source qui nous génère et nous rappelle. Cette porte basse et étroite est d'ailleurs cet instant même où la jonction avec l’Essen-Ciel opère spontanément. Le produit de toutes les expériences et des efforts conduisent ainsi au seul point de convergence possible qu’est le Soi recomposé, sans plus de division ni de complexité. Nous sommes les fragments de l’Amour à recomposer.

Notre Liberté en ce monde ne consiste donc pas à en nier les frontières, mais à les transcender en sachant nous en affranchir quand de besoin, par la conscience recouvrée de notre infini potentiel à réveiller en Soi. Alors, aucune cage ne peut plus nous retenir.

Il y a les frontières acceptables du quotidien puis, il y a celles qui nous angoissent, car entourées du halo de mystère et d’ignorance.

L’absurde, c’est l'insouciance de l’inutile. Tant qu'il donne de la joie, l’instant n'est jamais perdu. Les moments perdus ne connaissent pas la puissance de l'instant, sa plénitude, son invulnérabilité. L’instant est le souffle de l'Unité sur Terre. Quand on le perçoit, on transcende toute l'absurdité du monde qui l'ignore. Une journée sans joie est une moisson perdue. On replantera jusqu’à ce qu’on s’en souvienne.

La nécessité de l’ignorance comme de la liberté, permet d’offrir des ailes à la créature. Les frontières sont le cadre restreint de l’infini, l’uniforme étroit de l’âme. Encore faut-il qu’elle s’en libère pour trouver sa voie.

La mort ? C’est une option chère, un accessoire coûteux. Un jour heureusement, on s’en passe.

La vie ne nie pas la mort, mais elle en est l'antithèse.

La fragilité se sait relative, mais la vie est nécessairement invulnérable. Sans quoi, la vie ne serait pas la vie.

Animale, la vie contient toute l'omnipotence de notre infini en s’adaptant aux limites qu'elle apprend à connaître et à dépasser.

Seul l'homme et sa raison anticipent la fin et la provoquent. La vie aime la vie. Il n’y a que l'homme qui la détruit et la fuie.

La vie se rit d’ailleurs des hommes qui suspendent la vie aux peurs qui les figent. Une vie qui s’immobilise est une mort par anticipation. Voilà la spontanéité sublime que le mental abîme, le non-sens le plus absolu du monde : l'homme rationnel qui rompt son élan naturel en se « sachant » mortel.

La mort n'empêche pas la vie, elle la renouvelle, elle la purifie et ses cycles se succèdent en assurant la continuité de la création.

Tout est à sa place, y compris le déplacé. De l’éphémère à l’Essen-Ciel ? N’y voyez ni un paradoxe, ni le jeu d'un Dieu espiègle. Il est juste question ici de liberté et de vie à réconcilier, au plus près de ce que l'harmonie et l’amour nous font créer à notre tour, ici-bas et sans peur de l’échec ou des erreurs. L'apprentissage précède tout aboutissement dans l'Art. Voilà l'humilité qu'il faut pour oser entreprendre.

La vie qui ne se réfléchit plus, c'est l'injonction de l'Amour, son inspiration, la vocation de chaque être en devenir, attaché à la terre sombre de ses paradoxes.

La vie qui ne se réfléchit pas, c’est la spontanéité de l'âme animale recouvrée le temps d’une fulgurance à reconnaître, la réminiscence de la Beauté en Soi à accepter de laisser partir le temps d'un doute ou d'un rejet.

La vie qui ne se réfléchit pas, c'est la Joie qui surgit du chaos, qui saute les barrières de la norme ; c'est l'ivresse bienheureuse de la foi, qui pressent, par-delà toute cause, mériter de se manifester librement, malgré toutes choses relatives et grâce à elles.

Il suffit de n'être pas autre chose que soi-même un souffle régulier d'inspirs et d'expirs pour que l'amour fleurisse en nous.

Comme les fleurs s'offrent aux abeilles et réciproquement, la vie se nourrit de la spontanéité toujours bienveillante de l'évidence.

Parce que c'est toi, parce que c'est nous, parce que c’est la Vie… qui essaime, sème et s’aime, se perd et s'organise, toujours justement et sans forcer, à jamais sur le chemin de la bonne respiration du Cœur et jamais malgré soi, même inconsciemment.

La vie peut alors cesser de n'être que le Verbe au commencement, car le Verbe originel n'a personne à qui parler.

La vie est l'enfer et le paradis de l'altérité qui se contemple, seul portail magique permettant à nos âmes détachées de la Source, de sortir de la Perfection immobile initiale. La perfection sans conscience, c’est l'espace et le temps sans créature. Un non-sens ontologique.

Le tout parfait n'est pas simplement un leurre, mais c'est le piège de l'âme qui refuse la vie. Le retour vers Soi n'implique pas de tuer le Moi, de fuir l'altérité et la dualité, bien au contraire.

L'équilibre, c’est de rendre transparentes les parois épaisses de nos frontières, non pour les détruire, mais pour les rendre poreuses.

Rien n'est meilleur que le pire qui t'a fait devenir meilleur...le pire est toujours la meilleure marche vers Soi.

La génération nous offre la liberté de nous mirer dans le miroir de la vie, autant de fois qu'il le faudra pour y puiser l'Essen-Ciel perdu, au milieu de nos modes et accessoires, qu'importe puisque nous cheminons, « Dieu » fait homme.

 

Oui, nous sommes fourbes, imbus de nos personnes, de nos titres et de nos biens. possessifs et ambitieux, mais nous portons aussi en nous cette humilité primordiale à découvrir.

Quel bonheur d’être morcelés et incomplets. Quel bonheur d’être déchus un temps puis relevés.

Si nous n'étions pas fragiles, serions-nous libres ? La liberté, c’est de l'imperfection à faire sourire, de la Conscience à parfaire, séparée de l'Unité parfaite immuable, mais immobile. La Joie ne vaut que si elle est vécue et méritée. Elle jaillit comme des réminiscences du Soi initial et non séparé. La Joie a besoin de notre imperfection pour se faire Conscience.

Si l'ordre est la substance de l’âme, l’imperfection est le mouvement de la vie, son chaos sublime en incarnation.

Le cadeau de notre autonomie, c’est le bonheur de choisir, de se tromper, de douter, mais d’avancer sur le chemin du monde et d’y puiser le plaisir, qui est la joie manifeste et pratique sur le plan. Ordonner ce qui est déjà parfait derrière le voile de notre illusion, voilà la vocation de la vie : la Conscience de l'Unité dans le multiple.

Nous sommes tous en Un et Un dans Tout, les créateurs et les porteurs de cette Lumière qui nous génère. À nous de nous en montrer dignes, sans plus besoin de guerres, de clochers. La désidentification graduelle rend leur transparence aux parois occultantes de notre cher Ego qui cédera à l’évidence de la grande Présence en Soi.

La vie peut alors cesser aussi de n'être que mentale et aliénée par les lois du Plan matériel. Elle peut enfin, au travers chaque fraction d'elle-même et à l'infini de sa création perpétuelle, devenir l'étincelle consciente de sa sublime éternité pour transcender la mort insupportable et la séparation douloureuse que la possession exacerbe.

Oui la mort est mentale et la vie est animale. Il n'existe qu'un trait d’Union entre l’invisible et le visible : la Conscience de l'instant. Celle-ci est propre aux âmes qui s’élèvent, prennent la mesure des limites de ce monde sans perdre la trace de leur souveraine éternité.

La vie n'a pas l'angoisse de la vie. Seul l'homme l'entretient et en souffre.

La Conscience habite les mondes en confiance et en plénitude. Voilà pourquoi le spirituel doit s’affranchir de la matière, non pour la fuir, mais pour la laisser rayonner. Nos peurs sont le symptôme et la cause de nos limitations et des œillères qu’on chérit. La mort est la fin des hommes qui se pensent mortels. Les autres s’en moquent.

Au fond, le monde ne meurt que de sa résistance à l'innocence première et ne vit que de son propre mensonge réitéré à vouloir faire perdurer l’illusion de l’Ego et son ambition.

Aussitôt qu'il peut restaurer de l’intérieur et sans artifice la pureté originelle, l'homme fait alors automatiquement disparaître la complexité de la contingence qu’il crée.

Il n'a plus besoin de renaître, puisqu’il ne peut plus mourir. Il n’a plus besoin d’espace ou de temps puisqu’il ne se divise plus. Il n'a plus besoin d'apprendre à aimer puisqu’il est l'Amour total. Il est l'autre autant que lui-même, puisqu’il est plénitude. Il retourne à la seule unité qui précède le commencement et succède à toute fin, sans plus aucune limite à atteindre, aucun effort à concéder, aucune souffrance à endurer, aucune cause à subir ou à défendre. En attendant, l’on erre entre deux.

La beauté est la forme visible du bonheur. Le bonheur, c’est de la spontanéité libérée. Tant qu’on demeure engoncé dans ses couches de glaises mentales – que sont les conditionnements que nous avons acceptés malgré nous au fil de notre vie – nous ne serons jamais libres, ni donc jamais heureux. Le bonheur est la nature intrinsèque de notre âme déchargée du poids des possessions et du karma. Le comprendre, c’est regagner sans plus nécessité d'efforts le Centre de Soi-même. Laisse l’âme traverser les murs de tes personnages et tu restaureras ton paradis perdu.

Mourir à soi et laisser renaître la version authentique de nous-même qui ne demande qu'à jaillir au milieu de cette terre à recolorer d'urgence. Les ternes n’ont plus rien à faire ici. Ne cherche le bonheur nulle part. Tu es le bonheur en toi-même. Les environs te perdent, seul le cœur te retrouve.

Voilà les fleurs éternelles de la Beauté disponibles en chaque homme. Il suffit de se baisser pour les cueillir et les offrir.

 

Lorsqu’il n’y a plus de contenu, de problème, de conflit, il n’y a plus de frontières ni de limites et alors il n’y a plus aucune ligne de démarcation marquée par un contenu. C’est un espace dépourvu de centre, donc de circonférence. Vous savez, c’est cela l’amour – car l’amour n’a pas de dimension.

Jiddu Krishnamurti.

Par la conscience il a été donné à l'homme une part de la puissance créatrice divine, au moins une étincelle du feu éternel.

Jung, 1928.